Recherchons la meilleure solution. [Quincey]

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Tic. Tic. Tic. Tic. Tic.
Les bruits des stylos des nombreux élèves de la classe de Cybernétique résonnaient en cœur tandis que chacun d'entre eux se trouvaient a rédiger sur leur propre copie. Le professeur Dragonwort avait donné un test surprise - bien qu'il n'en ait que peu l'habitude - à ses élèves et s'était absenté un court instant, laissant le soin aux surveillants de l'académie de faire leur travail. En somme, ils 'surveillaient' la classe afin que le contrôle se déroule dans un silence et une ambiance parfaite. Un contrôle qui s'annonçait relativement difficile, aux vue des différentes questions en présence. Bien que la matière demande de connaître de longues formules complexes à utiliser sans faire la moindre erreur, la difficulté de ce test ne résidait pas tellement en ce point. Ou a vrai dire, la réelle difficulté était tout ailleurs. Quincey Dragonwort venait de faire distribuer des copies dont les équations n'admettaient aucune solution.

Déjà, les différents esprits des élèves étaient complètement embrouillés, et l'on pouvait commencer à apercevoir les premiers signes du stress à son état maximal. Tout un chacun avait sa manière de montrer aux autres qu'il ne connaissait pas la réponse; et qu'il se trouvait donc dans une situation délicate. Tandis que certains s'arrachaient les cheveux en rougissant de honte, d'autre cliquaient frénétiquement sur leur stylo, et d'aucuns claquaient des dents et laissaient apercevoir leur embarras au fur et à mesure que leur peau se chargeait de sueur. Comment avait-il osé ? Étaient-ils véritablement capable de résoudre de telles prouesses arithmétiques ?

Hannabeth Hanoeuvre se trouvait dans un des premiers rangs de la classe en demi-cercle. On pouvait la distinguer aisément - non pas grâce à ses longs cheveux noirs, ni à son attitude distinguée - parce qu'elle se trouvait être la seule enfant de la salle. La plupart des élèves ici présents allaient atteindre leur vingtième année et pouvaient s'estimer heureux d'avoir résisté à tant de stress et de pression de la part de l'Institut, et d'être arrivé ici en un seul morceau. Plus que quelques temps, et ils pourraient quitter cet endroit, empocher leur diplôme et vaquer à d'autre priorités plus importantes. Hannabeth, elle, venait tout juste d'avoir quatorze ans. Chose improbable dans un établissement de cette caste, elle avait réussit à passer le concours d'entrée avec un bon nombre d'année d'avances et avaient continué à user de son intellect surhumain pour sauter quelques étapes intermédiaires et arriver à un tel niveau de connaissance. Un géni, vous dira-t-on.

Pour autant, les conséquences d'un parcours scolaire aussi atypiques ont un prix que tout un chacun ne souhaiterait pas payer. Comment voulez-vous qu'une gamine ait une intégration réussie dans une école de ce type ? Alors que les autres étudiants ont déjà un pied - si ce n'est pas une jambe - dans la vie adulte, la petite n'a toujours pas le droit de boire des boissons 'pour grands' et doit aller chercher ses vêtements dans les rayons juniors. De fait, Hannabeth ne possède pour ainsi dire aucun ami véritable au sein de l'université, et sa différence intellectuelle ne fait que renforcer cet état des choses. Si d'autres l'auraient simplement traitée d'enfant, ici on s'évertuait à la respecter parce qu'elle était une des rares à véritablement comprendre les cours de Cybernétique; et pire encore, à les aimer. Or donc, s'il y avait bien une personne qui devait réussir ce test improbable, c'était bien elle.

Pourtant, quelque chose ne tournait pas rond. Les questions ne coïncidaient pas avec le chapitre précédemment vu dans le cours. Elle avait beau utiliser les formules et théorèmes appris dans tous les sens, jamais la solution n'apparaissait plus clairement. La jeune fille ne stressait pas le moins du monde. Sa tête se leva comme celle de beaucoup avant elle pour regarder l'immense pendule qui trônait sur le mur qui leur faisait face: il ne leur restait plus qu'une demi-heure. Une demi-heure pour faire l'impossible, n'est-ce pas déjà trop cher payer ?

Hannabeth remarqua qu'il y a deux jours à la même heure, elle s'était trouvée dans un tout autre endroit. En compagnie de toutes autres personnes. Et dans une ambiance qui n'avait rien à envier à celle-ci en termes de désespoir. En effet, le four crématoire du vaisseau n'était pas véritablement le lieu le plus joyeux qu'elle connaissait. Surtout en de pareilles circonstances. La petite virtuose se pencha d'avantage vers sa copie pour se reconcentrer et chasser ces mauvaises pensées. Elle relit l'énoncé une énième fois avant de saisir son crayon avec audace. La solution se présenta d'elle-même à ses yeux. Il fallait utiliser un algorithme particulier pour trouver la solution à ce calcul. La plupart de ses camarades ne l'avaient pas vu, et ne le verrai sans doute jamais; sauf ceux qui avaient décidés de dédier leur vie à l'étude de la Cybernétique. En somme, personne ici présent ne pourrait trouver la solution si ce n'est elle. Le professeur Dragonwort devait véritablement être d'une humeur malfaisante pour oser leur distribuer un tel exercice.

- Hannabeth, tu comprends quelque chose ? Je crois qu'il faut utiliser la formule qu'on a vue la semaine dernière; mais il ne nous restera jamais assez de temps pour ...

- J'ai terminé.

- Qu ... Quoi ?

En moins de temps qu'il n'avait fallu pour le dire; la petite avait écrit la réponse sur sa feuille. Une fois que la manière d'aboutir au résultat était décelé, le calcul en lui-même ne prenait que quelques minutes. Encore une fois, la jeune enfant venait de démontrer en quoi il était impossible pour elle de s'entendre avec les membres de sa classe. Elle avait déjà étudié cette manière de faire depuis plusieurs semaines, en s'avançant méthodiquement et en approfondissant ses cours. C'est au moment ou elle déposa son stylo près de sa feuille en souriant timidement à Eve Lavermild, que le professeur arriva de nouveau en classe. Et dans un timing parfait avec l'heure de la fin des cours. On venait d'entendre la délicieuse harmonie en Ut majeur pour sonnette d'Université et pleurs d'élèves désespérés, comme souvent à la fin d'un examen. Hannabeth s'estima chanceuse d'avoir pu connaître le résultat, et laissa les élèves passer devant en elle avant de rendre sa copie à son tour, pour éviter de se faire écraser. La sortie des classes était tellement violente qu'il ne valait mieux pas trainer dans les escaliers de l'amphithéâtre si l'on ne voulait pas se retrouver incrustée dans le marbre du sol.

- Tenez professeur. Vous avez bien failli nous avoir cette fois-ci. Haha. Par ailleurs, je souhaitais m'excuser pour mon absence de ces deux derniers jours.

Elle s'amusait à plaisanter gentiment, ce qui contrastait énormément avec la mine desséchée de ses autres camarades. Fidèle à elle-même, la petite ne détaillait pas vraiment pour ne pas encombrer son professeur - sa mine renfrognée et énervée pour une raison inconnue ne lui donnait pas l'envie de l'ennuyer. Déjà qu'il était une des seules personnes à l'apprécier un tant soit peu. D'autant plus qu'il devait pertinemment savoir pour quelles raisons d'exception elle s'était permise de rater son cours et ceux de ses collègues durant deux jours. Elle avait amplement pris le temps de rattraper ses devoirs, et - le contrôle en faisait la preuve parfaite - ces absences n'allaient en aucun cas fait chuter ses résultats.

Devant la porte, Quin hésita. Son humeur ne cessait de s'assombrir mais il ne devait pas s'alarmer. Ça n'apporterait rien de bon à part une angoisse inutile. Si quelque chose devait réellement arriver, on le préviendrait en urgence. Ses mains frottèrent vigoureusement ses tempes. Une grande inspiration précéda l'entrée de l'homme dans la pièce. À peine avait-il mis les pieds dans la salle que la sonnerie retentissait. Parfait, les élèves partiraient vers d'autres cieux et lui aurait la paix. C'était sa seule attente avant d'entamer son prochain cours. Les asservissements continus, tout un programme. Un soupir s'envola alors qu'il s'installait derrière son bureau. Le défilé commença laissant les sentiments de chacun se lire clairement sur les visages. En temps normal, le blond se réjouissait de voir la déconfiture de certains, leur sensation d'échec avec la mauvaise note qui allait au bout. Mais aujourd'hui, ça le laissait de marbre. Ses yeux bleus fixaient les adolescents avec un air absent. La fin du groupe approchait. Hm il avait tout de même autant d'élèves ? Il n'y a qu'à des moments précis que le blond se disait que finalement, sa classe n'était pas si vide que ça. Sa révélation journalière passée, il reprit contact avec la réalité.

Silencieusement, Quincey détailla Hannabeth. Il essayait de recoller les bribes de phrases saisie au vol. Les piéger ? C'était le but mais il n'avait jamais pensé que ça fonctionnerait avec Hannabeth. Par chance, très peu d'élèves lui ressemblait sinon il se serait interrogé sur l'intérêt d'être instructeur. Si ça devait arriver, son emploi du temps serait beaucoup plus léger. Il pourrait faire autre chose... S'occuper plus de la famille ou prendre un poste supplémentaire. Ses lèvres s'entrouvrirent légèrement mais il réprima un soupir. Hm, il était temps de lui répondre peut-être...

“ - Ah... ” Il eut un sourire incertain. La fin de journée se voudrait très difficile, s'il demeurait ainsi. “ Ce n'est pas grave, ça arrive... ”

Les difficultés d'Hannabeth ne lui étaient pas inconnues et bon, il ne se voyait pas épiloguer là-dessus. Elle tenait remarquablement bien pour une adolescente. À vrai dire, ce point l'inquiétait tout de même. La mort de son frère, celle de son père, autant d'étapes peu évidentes pour une jeune fille de son âge et pourtant, elle semblait solide, forte. Il ne savait pas trop ce qu'il devait en penser. Hésitant, Quincey finit par souffler.

“ - Hm, tout se passe bien ? ” Rapidement, il ajouta “ Et la musique ? Des pistes ? ”

Bon nombre de ses collègues lui soufflait qu'un transfert au Maegna serait justifié. Avec le talent de l'adolescente, elle avait davantage sa place là-bas que chez eux. Qu'allait-on faire d'elle après hein ? Quin se le demandait aussi. Même si elle pouvait rentrer au Basha, il ne sentait aucune passion chez elle. Elle avait été simplement élevée dans une certaine rigueur et comme un bon petit soldat, du moins, le blond la percevait ainsi. En se concentrant sur la jeune femme, ses pensées sombres se dissipaient. Continuer ainsi lui permettrait de se changer les idées. Ce qui est en soit lui donnait l'occasion de reporter la correction de l'interro-surprise et de protéger ses yeux des inepties laissées sans doute dans les travaux.

Ses yeux se focalisèrent rapidement sur un écran d'ordinateur. Ses doigts glissèrent sur l'écran tactile, y entrant un code. Vérrouillé. Le premier petit malin qui décidait de profiter de son absence pour fouiller ses données pourrait toujours s'accrocher. Non, ce n'était pas une question d'être parano. Il savait que certains essaieraient de mettre la main sur les sujets de leur future session d'examens. Où était le mal de prendre de l'avance dans les révisions ? Il en entendait déjà certains lui tenir ce discours. Sauf que ça ne marchait pas comme ça. En attendant, l'instructeur fit signe à l'adolescente de le suivre.

“ - Allez viens, on va discuter un peu ! ”

Rare étaient les fois où Quin jouait le rôle de l'oreille attentive. Généralement, il se contentait de foutre les élèves à la porte ou de dire qu'il n'avait pas le temps. Enfin de temps en temps, être un instructeur gentil pouvait avoir du bon. Cherchant sur quoi embrayer, il marcha en silence jusqu'à une salle de repos. La porte s'ouvrit automatiquement et il se dirigea immédiatement vers des canapés situés à proximité d'une baie vitrée. De là, la mer se dessinait au loin offrant une étrange sensation de sérénité. Le choix de l'endroit n'était d'ailleurs pas anodin, car il n'y avait pas mieux pour parler à coeur ouvert.

Un bref signe en direction de la jeune fille pour lui dire de s'assoeir et Quin posait ses avants-bras sur ses cuisses, le torse légèrement penché vers l'avant. Quelques voix féminines leur parvenaient, signalant leur présence. Cependant ces dernières semblaient absorbées par le visionnage des photos des différentes promotions qu'elles ne risquaient pas de les déranger. La discussion débuta enfin donnant l'occasion au blond d'exprimer implicitement ses doutes.

“ - Tu es sure de vouloir rester ici ? Tu sais, la plupart des élèves sont là parce qu'ils continuent une espèce de tradition familiale ou bien qu'ils voulaient rompre d'une certaine façon soit avec leurs parents, soit leur environnement... ”

Du rabâchage mais c'était la réalité. Certes si Hannabeth restait, ses notes n'en pâtiraient pas, cependant un bon dossier ne faisait pas tout. De plus en plus, les supérieurs voulaient des gens motivés, qui ne se pointent pas au Basha par défaut. On leur avait rappelé qu'en qualité d'instructeurs, ils devaient faire un travail en aval là-dessus. Comme s'ils avaient le temps pour ce genre de choses. Evitant de se perdre dans un monologue intérieur contre la stupidité des gratte-papiers, Quincey revint à ses moutons.

“ - Tu as essayé de participer à des concerts ? Faire des solos à l'Astrid ? ”