Intervention de nuit pour le NSS

Les volutes de fumée se mouvaient dans des arabesques entêtantes alors que le regard de Trystan se perdait devant lui. Il ne voyait pas les 5 autres membres du groupe d’assaut. Il ne voyait pas les parois d’acier qui le séparait du vide au dessous de lui. Ces pensées étaient lointaines alors que son cœur le ramenait toujours à l’instant présent. Il ne restait plus que quelques minutes avant le début de l’intervention…Quelques minutes qui le séparaient d’un tout…D’un ensemble de sentiment, de rage, de vie et de mort. Il ne pouvait le nier, son rythme cardiaque oscillait dangereusement entre la panique et la quiétude. Il le sait…Il n’y a que les imbéciles pour se jeter au cœur d’une bataille sans avoir peur de ce qui pourrait lui arriver. Les plus jeunes membres de la Sayeh pensaient que trouver la mort au nom d’une idéologie était la plus belle chose qui puisse vous arriver. Mais ils ignorent ce qu’est un champs de bataille. Ils ne savent pas que la mort est brutale, qu’elle ne vous laisse pas le temps d’avoir peur…Elle vous fauche dans un amas de sang, de violence et de souffrance. Deux êtres faisaient tout leur possible pour s’affronter et s’ôter la vie…Repoussant leurs instincts de survie…Ignorant la compassion et la pitié…Tout cela au nom d’une idée.

La peur, on la ressentait bien avant. Dans ces instants de paix avant la tempête.

Trystan aimait ces petits moments où son cœur ne savait quoi ressentir. Griller une clope était une manière de se calmer…C’est ainsi que commençait son rituel. Vider son esprit jusqu’à ce qu’il devienne à l’image d’un lac. Plein…Serein…Entier…Venait ensuite les étirements. Connaître et reconnaître chaque parcelle de son corps, le sentir vivre sous ses doigts…Inspirer et expirer lentement, sentir le souffle envahir votre être…Enfiler la combinaison morceau par morceau avec application. Préparer ses armes, sentir leurs poids rassurant aux creux de vos mains. Enfin venait la récapitulation du briefing. Entrer, décimer les terroristes, libérer les otages, extraction. Se remémorer les plans de la structure…Une préparation physique et mentale nécessaire pour ne pas craquer. Du moins c’était comme cela qu’il concevait les choses.

Dans ce petit espace, les autres membres du commando évacuaient le stress comme ils le pouvaient. Le plus jeune semblait être le plus bravache. C’est à peine s’il hurlait pas pour cacher la peur qu’il ressentait. Probablement sa première mission…Un autre écoutait de la musique dans son coin…Un autre regardait une photo de famille. Remarquant le regard de l’officier Anti Terroriste, il lui tendit dans un léger sourire.

« C’est ma famille. Ce soir, je suis censé fêter mon premier anniversaire de mariage, la petite vient juste de naitre… »

De sa main ganté, Trystan s’empara de la photo d’une expression totalement neutre. Une famille…La femme était d’une beauté commune. Elle n’était ni vraiment laide, ni spécialement belle…Cependant, il se dégageait d’elle une forte aura. Elle semblait avoir un fort caractère et en même temps généreuse. L’enfant qu’elle portait dans ces bras avait à peine quelques jours. A nouveau, son regard se perdit. Si les choses n’avaient pas si mal tournés, il aurait lui aussi un enfant et une femme qui l’attendrait à la maison. Au lieu de cela, il volait dans un hélicoptère du NSS en pleine nuit dans le quartier d’affaire pour régler une prise d’otage sanglante. Des gens de la Lux avaient été sommairement exécuté…On ne pouvait plus reculer…On ne pouvait plus négocier. Cela se solderait nécessairement par un bain de sang. Il allait y avoir des morts dans les deux camps…Qu’arriverait-il à cette fillette si elle grandissait sans son père ?

« Je sais ce que tu pense..Elle vient de la Pooja effectivement. Tu dois me considérer comme un… »

Il releva la photo, la tendant vers son propriétaire dans un léger sourire. Il n’avait pas besoin d’un membre préoccupé par autre chose que sa mission.

« Tu as une très belle famille. Essayons de rentrer à la maison ce soir. Je compte sur toi.

L’homme reprit sa photo dans un petit sourire gêné. Trystan pouvait presque savoir à quoi il pensait…Pas aussi froid et distant que sa réputation le laisse penser. Une petite lumière rouge se met à clignoter. L’objectif est proche. L’officier du NSS prend une dernière inspiration en ajustant les derniers éléments de son casque qui lui bouchèrent la vue. Puis l’écran interne s’alluma dans une lumière verte et un décompte.

[centre]T -5[/center]

Le commando se leva alors que les parois de l’hélicoptère commencèrent à s’évider puis glisser sur le côté laissant apparaître le quartier des affaires et le toit d’un de ces grattes ciels. Nous savons tous ce que nous avons à faire. Nous avons vu les simulations, nous savons à quoi nous attendre, nous connaissons leurs profils psychologiques…Mais le plus rassurant reste encore le poids du fusil d’assaut entre les mains de Trystan. Expiration….Le toit se rapproche dangereusement. Tout semble calme. Il ne reste qu’une poignée de seconde avant qu’ils ne remarquent quelque chose. Main à la ceinture, il prend le grappin l’accrochant à la barre prévu à cet effet…

Go !

Le chronomètre s’enclenche suivit presque instantanément par un saut dans le vide représentant 4 étages. Une poignée de seconde…Une vitesse impressionnante qui s’emballait à chaque battement de cœur égrainée avec pour seule sécurité un simple filin. Quelques mètres avant le sol, la sécurité s’enclenche brutalement, coupant la respiration avant qu’elle ne vous libère. Vous êtes sur le toit. Désormais la moindre erreur vous sera fatale. Une erreur, un simple instant d’inattention, un endroit que vous n’avez pas vérifié. Pourtant vous devez aller vite. Dès l’instant où ils comprendront ce qui ce passe, ils se mettront à abattre les otages en masse sans se préoccuper de leur propre vie.

Un équilibre précaire

Vitesse ou Sécurité

Vie ou Mort

C’était cela que d’appartenir à la section anti terroriste. Un stress de tout les instants alors que les premiers membres courraient à perdre haleine vers la première porte malgré tout l’équipement qu’ils portaient sur le dos. Trystan lui devait attendre le bord de l’héliport, s’arrimant avec un deuxième filin et programmer la distance voulut avant que la sécurité ne s’enclenche…Il monta sur le rebord, tournant le dos au vide. L’adrénaline battait à ses tempes, faisant vibrer son cœur…Il aurait aimé trouver quelque chose à quoi s’accrocher. Même à une prière. Il tourna la tête vers son binôme, hochant la tête avant de se laisser partir en arrière.

Difficile d’exprimer cette sensation de chute libre…Difficile d’exprimer la peur qu’on pouvait ressentir si la sécurité ne s’enclenchait pas…Difficile d’avoir à nouveau le souffle coupé quand le filin s’arrêta net, vous obligeant à basculer en arrière juste à temps pour heurter de plein fouet la baie vitrée. A peine le premier pied posé, l’élan poussa l’agent en avant l’obligeant à effectuer une roulade s’arrêtant subitement pour lever son arme. Le pointeur balaya la pièce emplie de bureau avant qu’un mouvement n’attire l’œil. Impossible de dire ce que c’était. La pièce était plongé dans le noir complet, la résolution trop basse pour distinguer avec précision ce que c’était…Puis un éclat métallique…Cela peut être n’importe quoi…Mais dans votre esprit…C’est forcement une arme…C’est forcement un terroriste…Le doigt se presse sur la gâchette…