Il faut se méfier de la bête, surtout quand elle a de jolis yeux verts et la douceur d’une femme tranquille. Il faut se méfier du calme, du silence avant la tempête. Il y a toujours deux visages. Celui que l’on montre adouci par le programme FAKEFACE, sage, souriant, si vide … Et celui qui est sous le masque, celui qui plait vraiment, celui d’une femme sauvage et intouchable. Il faut se méfier du visage du jour et tenter de caresser celui de la nuit. Car c’est la nuit que les femmes de pouvoir peuvent exercer leur art et qu’elles prennent enfin substance et valeur. Elles peuvent enfin se libérer des apparences, de l’éthique, des règles du jour. On les voit enfin, libres chimères, avancer et jouer, arrachant de leurs crocs ce qui nous reste de tangible.

Il faut se méfier de la bête tant la bête se méfie d’elle. Elle avance douce, féline, dans les appartements princiers, elle y déambule comme si elle y avait tous les droits. De Lux, elle a le langage et la retenue. La dame est si cachée qu’elle en devient parfaite. Un joyau à l’image de son père, des Johansen tout entier. Gracieuse tant par la démarche que le visage ou le caractère, elle reste une femme à la conversation agréable. Réservée malgré tout, Phoebe ne répond que peu aux véritables questions, elle les esquive ou y répond par une révérence courtoise.

Une Lux parfaite, sans défaut, vide, c’est l’image qu’elle donne. Une femme à marier et malgré les enchères, à 27 ans elle reste sans mari. Est-ce qu’elle est promise à l’un des princes ? Pourquoi alors leur mariage n’est-il annoncé ? Il semble que rien ne s’y oppose. Mais pour cela comme pour bien d’autres sujets, rien ne semble clair et les réponses aux questions n’éclaircissent en rien le brouillard qui l’entoure. Il est étonnant qu’une femme aussi proche de la famille impériale puisse rester aussi secrète. Sa scolarité, les années précédant son poste de précepteur restent inconnues.
Il est des choses qui restent néanmoins certaines. Nathan Johansen ne parlent plus à sa fille depuis des années. Les archives militaires ont une Phoebe Johansen inscrite en 3046 pour une année d’affectation à la Basha. Et enfin Phoebe Johansen est depuis sa majorité la préceptrice de la famille royale.

A bien peu elle a commencé à se dévoiler. Même pas aux princes, elle préfère qu’ils ne la connaissent que de la manière la plus officielle qu’il soit. Bien sûr ce n’est pas tâche aisée, elle a de multiples débordements à gérer. Le pire étant avec Reese qui connaissant la fille du Rêves se joue de la préceptrice, elle doit sans cesse s’empêcher de rentrer dans son jeu de façon à le laisser à l’écart. La petite Lux parfaite qu’elle doit jouer, la petite fleur délicate, ennuie profondément Reese. Mais cela aussi est nécessaire. Et puis il y a Alben qui ne doit pas la voir au Rêves, avec lui tout est toujours un brin plus compliqué. Peut-être est-ce parce qu’il est le plus vieux ou qu’il est son fiancé ? A moins que ce ne soit Leif son fiancé … Enfin, à ce sujet celui qui lui pose le moins de problèmes est bien sûr Javier, qui ne s’intéresse pas du tout à elle, ce qui est somme toute aussi agaçant que reposant. C’est peut-être avec lui qu’elle peut enfin donner de vrais cours. Aux autres cela virait plus à des promenades à cheval, des discutions amicales ou des véritables jeux de petites provocations. Mais à chaque pied sa chaussure, les princes n’avaient pas les mêmes besoins et le métier de précepteur n’est pas uniquement un métier de professeur. Quant à la princesse, la petite protégée de l’impératrice, Phoebe n’en a pas encore vu le bout du nez. Oh bien sûr elle en a entendu les ouragans, elle a suivi certaines de ses bêtises par ses frères, mais elle ne lui a encore rien enseigné. La petite aurait pourtant bien besoin de quelqu’un qui s’opposerait un peu à elle.

La vie toute entière, de jour, tourne autour de la famille royale. Elle passe beaucoup de temps avec eux et elle leur accorde une importance qui dépasse sa fonction. Elle voit en eux des amis, un fiancé ( ?), une famille. Car une chose est sur c’est qu’ils forment sa seule famille et si l’on creuse, creuse avec des petits mots bien aguisés on se rend compte que la belle les protège à sa façon.

On ne touche pas à la famille Impériale.
Il n'y a rien à redire ou a expliquer.

Physique :

Apparence, tout n’est qu’apparence quand il s’agit de la famille royale. Son étonnante facilité à entrer dans le manoir lui a permis de garder ses petits secrets bien cachés, mais il lui faut quand même protéger des regards sa cicatrice. De jour elle utilise un programme FAKEFACE obtenu bien sûr de manière plus ou moins légale. Officiellement, c'est-à-dire d’après son père car lui seul répond aux questions à ce sujet, la cicatrice serait due à une chute dans son enfance. La différence entre l’officiel et l’officieux est bien sûr à l’échelle de tout ce que les hauts de Lux inventent pour calmer les rumeurs. De toute façon peu de personnes connaissent Phoebe Johansen avec une cicatrice, celles-ci sont, d’ailleurs, plutôt silencieuses. Quant à la fille qui arpente Rêves, provocatrice à souhait, celle là oui à une cicatrice qui ne la défait pas de sa beauté mais la rend au contraire plus sauvage. Comme une blessure de guerre, elle s’élance sur le bas de sa mâchoire et retombe jusqu’en son décolleté que la provocation veut profond et en relief.

Parlons de la jeune femme de Rêves. Cette jeune femme aux allures de prostituée ou de vagabonde volage est une véritable furie. Sa passion de la danse, sa façon provocatrice de marcher a attiré plus d’un regard masculin. Malgré sa cicatrice elle semble bien plus belle que la petite préceptrice. Ses cheveux sont détachés, toujours et peu arrangé. Ils tombent libres sur la poitrine et dans son dos jusque sa taille. 2pais et en grand nombre il forme une véritable crinière noire qui met en valeur plus qu’il ne cache son joli visage. Des traits fins, un visage plus petit, un port gracieux, il serait possible de retrouver la jeune femme de Lux. Pourtant ses yeux verts, étincelants, moqueurs, mutins, ne laissent aucun doute, elle doit bien faire partie des bas fonds de Ios.

Il ne faut pas trop parler de cette femme. Utiliser des mots serait la vieillir, lui rajouter des rides et lui enlever de sa classe. On ne peut parler des chimères qu’à demi-mot, en murmurant. Certes la jeune femme est bien tangible, elle a un corps un vrai, qui n’est pas tenu en muselière. Mais la Phoebe de rêves est intouchable, inapprochable vraiment. Elle apporte plus de questions que de réponses.

La préceptrice quant à elle est d’une perfection absolue. Ses cheveux sont toujours coiffés avec soin, domptés et arrangés chaque matin. Il reste néanmoins rarement attaché, elle préfère quand il entoure son petit visage gracieux qu’aucune cicatrice ne défigure. Le noir corbeau de sa chevelure fait ressortir les quelques couleurs que possèdent la femme. Un vert émeraude pour ses yeux calme et attentifs, le rose rouge de ses lèvres.

Phoebe est bien sur habillée par un grand couturier de Lux, il la revêt d’habits du jour souvent sombres ou gris. Phoebe n’aime pas les couleurs sur elle, le couturier s’amuse plutôt avec la taille des vêtements. Phoebe porte toujours des tissus raffinés et doux qui ne la réchauffe peu mais elle ne semble pas en avoir besoin. Les décolletés laissent voir de son anatomie sans qu’elle en devienne vulgaire. Elle reste gracieuse en toute la circonstance.

Devenir quelqu’un de respectable est difficile pour certains. Ils doivent lutter, monter laborieusement la pente, gagner égard après égard et ne jamais, jamais faire la moindre erreur. Pour d’autres c’est une toute autre histoire. Ils le sont de naissance et à jamais. Leurs familles cacheront à tout prix le moindre débordement. Certes certaines de leurs erreurs seront fichées, mais la jeunesse excuse tout, surtout quand il s’agit de la haute société.

Phoebe est née dans le prestige du nom et la splendeur du titre de fiancé du prince. Un patrimoine génétique remarquable et un père admirable ont fait d’elle et ce dès la naissance, une personne respectable de la haute société. Dans les fichiers il n’y a que peu de troubles, rien en vérité qui puisse amener à la condamner. Il est juste étrange qu’une femme de son rang due si jeune faire son année d’affectation.

Le manoir familial est un lieu vide et froid qui pourtant fut sans doute très vivant. Hélas il ne reste que les bribes et toute chaleur humaine s’est envolé. Phoebe a grandi ici, entre ses murs. Les endroits gardent les images, se marquent des faits. Ils ont vu tant et tant de chose.

Les cheveux de sa mère partaient en mèche, il avait fallu raser son crane. Seule devant la femme qu’elle reconnaissait à peine, Phoebe se sentait devenir lointaine. Plus rien en semblait avoir d’emprise sur la dame au visage creux.

Les yeux verts émeraude étaient illuminés par une lumière et se détachaient du visage. Alors que sa mère tentait de la rapprocher d’elle, que ses yeux brillaient de plus en plus fort, la jeune fille se sentait de plus en plus gelée. Il y avait ce chemin à ne pas prendre, ce chemin que Lïydia avait pris et qu’elle ouvrait à sa fille. Phoebe ne pouvait pas. Il y avait trop de sang Johansen, trop de raison. Il y avait cette barrière infranchissable.

On ne voyait que les yeux sublimes de la femme. Le reste, le reste ... il ne fallait pas le regarder. Le reste avait été sali. Le corps harmonieux, la crinière brune et sauvage, les lèvres rouges, tout était parti, tout avait été pillé, massacré. Il ne restait qu’un corps souillé, un corps fantôme, un corps qui n’appartenait plus à sa mère.

Lïydia avait toujours été d’une sensibilité extrême. Tellement lucide, tellement … fragile. C’est cette légèreté qui avait été prise elle aussi. Il ne restait que l’intensité et la violence. Prise et utilisée, sans vergogne. Nathan avait bâti pour elle une image qu’elle avait toujours suivie. Un code à la lettre, il avait fait et en un sens il avait sauvé sa femme. Maintenant il n’y arrivait plus. Il n’avait plus le contrôle et il la perdait. Cela le rendait fou de rage. Ce n’était même pas un cancer ou autre maladie reconnue, il n’y avait pas de nom que puisse lui donner les médecins pour le fléau qui avalait la fée Johansen.

Phoebe comprenait sa mère sans pour autant posséder son intensité et sa puissance. Avec les mêmes yeux, elles voyaient Uros. Entièrement. La lumière luxueuse de la haute société cachait mal les ténèbres des bas fonds. Lïydia était envahie, enfermée, cloitrée. Et si ses chaines étaient d’or, elles lui brûlaient la peau. Sa récente maladie avait commencé à l’instant où elle avait compris que Nathan n’était bon, doux et gentil qu’avec elle, qu’au monde et à sa fille il avait un masque glacial, sans cœur et sans douceur. Lyidia pleura beaucoup, mais elle pleurait souvent et ils n’y firent pas attention. Puis elle cessa de pleurer et cela leur fit peur. Les médecins étaient venus quand elle s’était mise à gémir et qu’elle n’avait plus pu se lever. Elle avait avalé les médicaments sans grande conviction. Et puis était venu le sang. ‘Fatigue intense’ avait été le pronostic. Le repos n’avait rien changé. La machine peu à peu s’est emballée et il n’était resté que les yeux.

Mais les yeux aussi devaient mourir. Nathan avait crié et les yeux de sa femme pour la première fois étaient devenus vague.

Phoebe avait vu aussi le changement dans les yeux de sa mère, son départ. Sa gorge s’était bloquée, ses yeux paniqués cherchèrent de la lumière dans le regard mais elle s’était éteinte. La main de son père arrêta l’analyse en projetant la jeune fille au sol.

Il la jeta en dehors de la chambre en fermant la porte derrière elle. Par le trou de la serrure Phoebe observa sa mère. Elle continuait d’être hirondelle alors que son mari tentait en vain de la refaire femme. Phoebe n’arrivait même pas à pleurer, son corps tout entier était statufié.
Il ne restait rien.
Tout était mort.
Et le corps inconnu que tenait dans ses bras son père en pleurant allait bientôt rejoindre ses ancêtres.

L’enterrement se fit dans le silence. Le monde ne sut qu’elle était morte avant une semaine. Ni Phoebe, ni Nathan ne pleura. La famille de Lïydia le fit suffisamment pour eux. Le même masque froid cachait leur visage. A la sortie du cimetière la relation de Nathan à la Basha prit en charge Phoebe. Fini les enfantillages, fini les petits actes délinquants, les petits débordements. Nathan laissait la discipline militaire redresser le comportement de sa fille qu’il avait su garder hors des fichiers, et dompter son caractère.